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Roadtrip – Episode 2 : Lagom !

Roadtrip – Episode 2 : Lagom !

Bye « Hygge », hey « Lagom » !

Le périple de Charline se poursuit donc, en Suède. Après un passage de frontière par une pluie battante, elle atteint la ville de Jönköping pour le week-end et sous le soleil. Un aperçu de ce qu’allaient être ces 10 prochains jours. La Suède a été un réel enchantement d’un point de vue paysages et découvertes. On l’avait prévenu « la Suède c’est beau tu verras ». Mais non en fait, ce n’est pas « beau », c’est sublime !

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Un état d’esprit « no worries »

Depuis son séjour en Inde, Charline ressent toujours un peu d’appréhension quand on lui répond « no problem » à une question. En réalité, là-bas il y a fort à parier qu’il va quand-même y avoir un problème à un moment donné, et c’est ce qui fait, en partie, le charme de l’Inde d’ailleurs.

Mais revenons en Suède ! Charline avait un rendez-vous commercial important en visio le vendredi de son arrivée à Jönköping. Problème : le RDV est à 14h00 et le check-in ne se fait qu’à 15h00. Elle tente d’expliquer que c’est important et, de prime abord, a l’impression qu’elle saoule son interlocuteur…

« No worries » lui répond simplement le réceptionniste. Ni une ni deux, il lui installe une table au calme dans un recoin de la salle de séjour, à côté d’une prise pour pouvoir brancher son ordi, installe une sorte de paravent pour l’isoler et lui sert même un verre d’eau. « And if that’s not enough, I can offer you a free room while waiting for yours ». Mais c’était déjà carrément « enough ». Exit le stress et let’s go pour la visio. « Tak » mister de la réception !

 

Et finalement, cet état d’esprit, Charline va le retrouver tout au long de son séjour en Suède. Nous ne ferons pas de généralité et parlerons uniquement de son expérience mais les Suédois ne lui ont pas apparu comme les personnes les plus avenantes de la planète.

Par contre, dès qu’elle a commencé à engager d’elle-même la conversation ou bien qu’elle a demandé de l’aide, les personnes ont répondu présentes. Un exemple tout bête : il est assez difficile de trouver de l’eau plate dans les magasins en Suède. Il y a beaucoup d’eaux gazeuses, d’eaux aromatisées… Mais de l’eau plate naturelle c’est plus compliqué, d’autant que très peu d’étiquettes sont traduites en anglais (la raison serait que la langue Suédoise se perd et que ce serait un moyen pour le pays de « forcer » ceux qui habitent en Suède à apprendre le Suédois). Elle comprendra plus tard que pour les Suédois, acheter de l’eau plate en bouteille est proche de l’hérésie ! Ils ont une eau du robinet de très bonne qualité et vous pouvez remplir votre « drink bottle » absolument partout, même dans un bar dans lequel vous ne consommez pas pour autant.

Mais revenons à notre histoire de supermarché. Donc, ne trouvant pas d’eau plate, elle demande à une suédoise si la bouteille qu’elle a devant les yeux est « still » ou bien « sparkling » et pas de chance, pour elle qui a horreur de ça, il n’y a que de l’eau gazeuse dans ce rayon. Et bien plutôt que de continuer à faire ses courses, cette suédoise l’a aidée à chercher une bouteille d’eau plate et est même aller jusqu’à demander à un vendeur. Et ce sens du service, on le retrouve pour tout et dans tous les domaines, la volonté de ne pas s’en faire et de trouver de l’aide facilement, même si et de prime abord encore une fois, le contact ne semble pas si simple. Mais bref, assez parlé de supermarché et de bouteille d’eau parce qu’il y a encore plein de choses à dire…

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L’art de vivre à la suédoise sera « lagom » ou ne sera pas.

Comme les Danois qui ont le « Hygge », les Suédois ont le « Lagom ». Il existe plusieurs définitions pour ce mot, assez intraduisible, mais en gros cela représente un état d’esprit plus minimaliste, basé sur la recherche des choses simples, ni trop, ni pas assez afin de se reconnecter avec ce qui est vraiment important.

L’idée ici est de pouvoir vivre en harmonie avec soi-même, avec les autres et avec la planète. Il revêt donc aussi une connotation écologique. Les Suédois apparaissent comme des personnes calmes, qui s’expriment assez doucement. Il est assez mal vu de parler fort en faisant des grands gestes avec ses mains par exemple (coucou les pays latins !). Cet état d’esprit implique aussi un grand sens du collectif.

L’intérêt général du pays et des citoyens passe avant les considérations personnelles et cela ne pose de problème à personne. Plutôt « dociles », ils ont profondément confiance en leur gouvernement et en les décisions qui peuvent être prises, de la redistribution des impôts à la répartition des richesses. Quand leur gouvernement leur préconise quelque chose, ils vont suivre cette préconisation en pensant que c’est ce qui doit être le mieux pour tout le monde. Il y a donc que très peu de contestations ou de manifestations en Suède, CQFD.

 

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Ensemble, c’est tout.

Se reconnecter avec ce qui est vraiment important pour les Suédois c’est évidemment avoir, au cœur de tout, sa famille.

En Suède, tout tourne autour de la famille et tout est fait pour vous simplifier la vie au maximum. Imaginez une ville dans laquelle on vous garantit la présence d’une école, d’un médecin et d’un supermarché à moins de 500 mètres de chez vous… Des supermarchés ouverts très tard, voire ouverts 24/24, le week-end également. Résultats, pas de stress à devoir faire ses courses en même temps que tout le monde et très peu d’attente aux caisses. Ce qui n’est pas plus mal car ce n’est pas rare que les Suédois aillent se ravitailler…pendant leur temps de travail !

Et concrètement, une vie qui tourne autour de la famille ça prend quelle forme ? Nous vous proposons une réponse en quelques chiffres.

>480 pour commencer. 480, c’est le nombre de jours de congé parental auquel ont le droit les Suédois, par enfant. Vous pouvez ajouter 180 jours pour une grossesse multiple. Ce congé doit être divisé entre les deux parents, et doit être à minima de 6 mois pour le deuxième parent (père ou deuxième mère). Il peut être pris jusqu’à la 12ème année de l’enfant, il n’est donc pas rare que deux ou trois congés parentaux se cumulent (il y a des conditions tout de même, notamment pour l’indemnisation).

>120 ensuite. 120, c’est le nombre de jours d’absence pour « enfant malade » qui sont attribués, par enfant et jusqu’à leurs 12 ans, dans les mêmes conditions que le congé parental.

>80% pour finir. 80% du salaire de base, c’est le montant de l’indemnisation qui est versée par le gouvernement en cas de congé parental ou de jour « enfant malade ». En réalité le calcul est un peu plus savant et il y a des plafonds en fonction du niveau de revenu mais c’est à peu près 80% du salaire habituel.

De manière assez vertueuse, le fait que le père puisse finalement s’absenter presqu’autant que la mère a réduit quasi à néant les discriminations à l’embauche sur le critère du sexe. Il est même assez courant qu’une femme soit embauchée alors qu’elle est déjà enceinte.

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« Ne pas perdre sa vie à la gagner »

Et le travail dans tout ça ?

Alors vous avez sûrement commencé à le comprendre mais, vous voyez la culture du travail en France ? Et bien imaginez absolument l’inverse et vous avez la culture du travail en Suède !

Ce n’est pas aussi simpliste évidement, mais quand même, nous ne sommes pas si loin de la réalité… Ce qu’a pu comprendre Charline de ses différents échanges avec des Suédois, ou bien des Français qui travaillent en Suède, c’est que le travail n’est vraiment pas une fin en soi !

Il faut bien travailler pour gagner de l’argent, mais ce qui compte c’est de profiter de cet argent pour soi et sa famille ou ces amis proches.

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Officiellement, la durée légale de travail est de 40h00 par semaine. Mais en réalité… Tes 40 heures tu ne feras pas !

Comme l’explique si bien le blog « la Suède en Kit » dans ses 10 commandements du bureau. Cela peut paraître un peu déconcertant mais l’idée profonde est que le travail ne doit pas être un frein à son confort personnel et encore moins à sa vie de famille. Et comme pour le Danemark, le système repose entièrement sur la confiance.

Ici le télétravail comme nous l’entendons est presque démodé. C’est le « work from anywhere » qui devient la norme. Travailler de chez soi tout en étant à 200/ 500/ 1000 kilomètres de son employeur, c’est possible (évidemment, cela dépend quand-même de son poste). Commencer de travailler à 6h du matin, aller pratiquer son sport à 10h00, reprendre pour une réunion, puis aller faire ses courses, faire une petite sieste, se remettre au travail et enfin tout couper à 17h00 max (plutôt 15h00 le vendredi) pour aller chercher ses enfants ou profitez de son temps perso, cela pourrait être la journée type d’un travailleur en Suède. Imaginez le gros lâcher prise pour l’employeur…

Et si vous êtes malade un jour ? Surtout, ne vous pointez pas au bureau en mode « warrior ». Ici on risque de vous jeter des cailloux si vous osez faire profitez vos collègues de vos microbes. Mais ne vous connectez même pas en visio en fait car cela sera pareil. Vous êtes malade ? Et bien reposez-vous et soignez-vous ! Et comme encore une fois tout est fait pour vous faciliter la vie, pas besoin de justificatif médical pour les 7 premiers jours d’absence maladie.

On vous l’a dit que le maître mot était la confiance déjà ?

Jusqu’au 14ème jour c’est l’employeur qui prend en charge votre absence. 80% de votre rémunération, sauf le premier jour qui est un jour de « carence ». A la base il n’était pas indemnisé mais aujourd’hui il doit l’être à hauteur de 20% environ. Ensuite c’est l’équivalent de la sécu qui prend le relais.

Bon et maintenant fermez les yeux et imaginez… corbeilles de fruits, boissons chaudes ou froides à volonté, des plaids, des coussins, une salle de sieste, de la musique, un, deux, trois, quatre chiens (voire plus ! La plupart des bureaux sont « pets friendly »), des chaussons ou des sortes de sandales (interdiction de marcher en chaussures au bureau notamment l’hiver)… Voilà, vous êtes transposés dans un bureau typique en Suède.

En bonus il peut y avoir des bonbons ou des chocolats, des petits gâteaux, parfois même des buffets entiers de sandwichs, sushis, pizzas… La vie est tout de même chère en Suède, notamment à Stockholm, et tout est fait pour que les salariés aient envie de venir au bureau de temps en temps.

 

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Le taux de Suédois syndiqués est très important, il serait aux alentours des 70% (environ 10% en France en comparaison). Quand ils ont une question en droit social, c’est plutôt vers leur syndicat qu’ils vont se tourner qu’envers leur RH. Les RH sont plutôt là pour toutes les questions de bien-être. Elles doivent être présentes pour s’assurer que chaque collaborateur se sent bien dans l’entreprise.

En cas d’arrêt maladie plus long que la normale (entendez de plus de 4 semaines), l’employeur a aujourd’hui, avec l’aide des RH et possiblement de la caisse d’assurance maladie nationale, l’obligation de mettre en œuvre les mesures nécessaires au retour de la personne dans son poste. Cela passe par une « enquête de rééducation » devant mettre en lumière les aménagements nécessaires pour que la personne puisse revenir au travail dans de bonnes conditions (hors maladies graves évidemment).

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Se séparer d’un salarié en Suède est quasiment impossible ! Il faut avoir de sérieux arguments, que la cause soit réellement sérieuse et même avec ça, cela peut prendre des années pour avoir gain de cause (2 ans en moyenne). Les Suédois interprètent ce fait comme une volonté réelle du gouvernement de protéger ses sujets, même s’il est très facile de retrouver un job ensuite vu le marché du travail suédois. Cela doit être au salarié de décider de partir et de changer.

Une période d’essai de 6 mois est donc non négociable et la valider n’est pas une simple formalité… Souvent c’est même carrément une fête pour le salarié qui s’assure enfin d’une stabilité certaine à l’issue de plusieurs mois d’incertitudes.

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Tous ces aspects de la vie à la Suédoise peuvent confirmer, de prime abord, tout le bien que nous pouvons penser des pays nordiques. Et si effectivement le système fonctionne, il y a tout de même des abus. Mais pour les employeurs c’est admis, qu’au vu de tous ces avantages, il y ait une minorité qui puisse en profiter.

Il est à noter tout de même que la pression sociale est assez forte en Suède, surtout en ce qui concerne la famille. Il est finalement assez mal vu qu’une femme s’arrête moins d’un an pour un congé maternité. Les moyens de garde alternatifs sont assez limités. Le babysitting n’est pas du tout l’usage par exemple, tout comme les nourrices ou assistant.es maternelles. Il n’est pas rare que les femmes travaillent à mi-temps, un peu plus de 50% serait le dernier chiffre recensé selon les données de la Banque Mondiale. Et l’impact se fait sentir sur les postes à responsabilité. En effet, la Suède compte très peu de femmes dans le « C level », l’équivalent du comité de direction en France. Car, même dans un pays comme la Suède, cela reste encore les femmes qui finalement privilégient leur vie de famille à leur carrière.

 

Toutes ses informations continuent clairement d’aiguiser notre curiosité RH, entre autres, et nous avons hâte de voir si la Norvège comporte des similarités avec la Suède ou bien si, comme le Danemark, elle possède ses propres caractéristiques… réponse la semaine prochaine !