Temps partiel en Europe : Eldorado et cache-misère
Ce lundi 13 juin, Myriam EL KHOMRI entame une nouvelle bataille dans son combat sans retour sur la Loi Travail : pour une quinzaine de jours, elle défendra son projet de loi devant le Sénat.
Dans le cadre de cet examen, c’est une loi réécrite par la Chambre Haute du Parlement français qui sera l’objet des débats, dont une disposition portant sur l’abaissement de la durée minimale de 24 heures par semaine du temps partiel.
L’occasion de se pencher sur cette faculté de travailler moins que la durée légale. Et se poser des questions sur son intérêt, ses dangers, voire sa philosophie.
Le temps partiel, source de précarité
En tout premier lieu, tentons de trouver une définition communément admise puisque le contrat à temps partiel est encadré par le Code du travail :
Le travail à temps partiel est un contrat par lequel un salarié s’engage à travailler pour une durée inférieure à la durée légale de 35 heures par semaine.
Sans reprendre tout l’historique sur le sujet, rappelons que les règles en vigueur aujourd’hui sur le temps partiel sont celles édictées par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Depuis le 1er janvier 2014, la durée du travail à temps partiel est d’au minimum 24 heures par semaine ou son équivalent sur le mois.
Après quelques épisodes politiques à coup de loi (loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014) et d’ordonnance (n° 2015-82 du 29 janvier 2015), le dispositif initial a été assoupli en créant de nouvelles dérogations au seuil minimal de 24 heures hebdomadaires.
Le principe : si vous embauchez un salarié à temps partiel, vous devez l’employer au minimum 24 heures par semaine ou 104 heures par mois. Si vous pratiquez l’aménagement du temps de travail, il doit travailler en moyenne 24 heures par semaine, sur une période allant d’une semaine à un an.
Les exceptions : nombreuses !
Nous ne ferons que les lister mais nombre de situations dérogatoires sont possibles :
- convention collective ou accord de branche avec mise en oeuvre de garanties (horaires réguliers, possibilité de cumul pour le salarié)
- CDD ou intérim d’une durée maximale de 7 jours ou motivé par le remplacement d’un salarié absent
- étudiant de moins de 26 ans qui en fait la demande pour suivre des études
- embauche d’un salarié intérimaire ou d’une association dans le cadre d’un dispositif d’insertion
- raison thérapeutique sur décision du médecin traitant et du médecin du travail
- sur demande d’un salarié présentant un handicap
- demande écrite et motivée d’un salarié invoquant des contraintes personnelles ou le souhait de cumuler plusieurs activités pour un total d’au moins 24 heures hebdomadaires.
En somme, le temps partiel est perçu comme précaire en France : est prise en compte la considération individuelle qu’un salarié ne travaillant pas 35 heures, ne peut donc percevoir le SMIC minimum et, ne peut vivre correctement.
Et ce sentiment est renforcé par les études sur le thème de l’emploi, comme celle de l’INSEE parue le 13 juin qui publie sa photographie du marché du travail en 2015.
L’un des 5 chiffres-clés communiqué est celui de 1,7 millions, soit le nombre de Français qui souhaitent travailler plus. 6,6% des actifs occupés sont en situation de sous-emploi, c’est-à-dire qu’ils sont à temps partiel, souhaiteraient travailler davantage et sont disponibles pour cela.
Le temps partiel, outil de bien-être
Néanmoins, en France et dans d’autres pays voisins, le temps partiel peut aussi être un choix : celui de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
L’exemple le plus caractéristique est bien entendu le parent choisissant de travailler à 80 % pour avoir du temps avec ses enfants. Le jour choisi est souvent le mercredi et permet de couper sa semaine en deux, et dédier du temps à sa famille. Cela peut aussi être parfois combiné à un choix économique de ne pas payer une nounou ou la crèche une journée supplémentaire par semaine.
Aux Pays-Bas, où le taux de chômage est de 7%, le temps de travail partiel est très élevé : environ une personne sur deux contre une personne sur cinq en France. Une grande partie de ces emplois sont choisis par des collaborateurs “souhaitant limiter leur engagement professionnel au profit de leur vie privée” Cf Sciences Humaines n°282.
Ainsi, sans faire preuve de candeur, les salariés tentent d’accéder au bonheur sans que la totalité de leur existence ne soit tournée vers le travail.
Le temps partiel, outil de productivité
Certaines nations, comme la Suède, tentent, elles, des expériences de travail à temps partiel pour augmenter leur productivité. Cet exemple d’un autre pays avec un taux de chômage proche des 7 % peut être regardé à la loupe.
Pour exemple, la municipalité de Göteborg qui a testé fin 2015 la journée de 6 heures. L’idée était bien de faire moins travailler les salariés pour faire baisser le stress, augmenter les embauches et l’attractivité des structures. Il s’agissait plus d’une expérience pour étudier la hausse de la productivité : expérience seulement car les collaborateurs touchaient le même salaire pour 6 heures de travail au lieu de 8 !
Difficile donc de se servir de ce testing comme d’une règle inspirante même si certaines entreprises privées suédoises proposent cette organisation du travail depuis depuis le début des années 2000.
La candeur laisserait-elle place à l’utopie ?
La réalité des pays du Sud
Le taux de chômage est deux à quatre fois plus faible dans le Nord de l’Europe que dans le Sud et les besoins ne sont donc pas les mêmes.
Là où les pays scandinaves prônent le bien-être pour travailler à temps partiel, certains voisins européens du sud réclament de travailler ! Ainsi, au Portugal, à Chypre, en Espagne ou en Grèce, nombre de salariés ne travaillent pas à temps plein. Environ 10 millions de personnes déclarées en situation de sous-emploi dont la plupart auraient voulu travailler plus.
En effet, en Europe, il existe aussi beaucoup de mini-jobs avec peu d’heures de travail et peu de revenus. Certains jeunes travailleurs sont contraints d’accepter des emplois à temps partiel pour gagner 500 ou 600 euros par mois.
L’utopie avalée par la réalité sociale.
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